Robert Walker et le paradoxe de la couleur

Robert Walker (1945), Griffintown, 2018, Photographie numérique, Courtoisie de l’artiste.
Montréal, 1975
Le parcours photographique de Robert Walker (1945-) commence cavalièrement en 1975, lors d’un stage à Montréal sur la photographie de rue avec le photographe américain Lee Friedlander. Walker était plutôt intéressé à la peinture abstraite en raison de ses études à l’Université Concordia, mais plus le stage progresse, plus il découvre les possibilités de la photographie de rue. À la grande différence de Friedlander qui photographie en noir et blanc, Walker décide intuitivement de s’exprimer en couleurs. Pour innover, il doit toutefois, comme en art abstrait et en art conceptuel, travailler sur les formes et les couleurs. C’est un choix très téméraire, car très peu de photographes artistiques canadiens utilisent la couleur à cette époque. Aux États-Unis, on peut mentionner William Eggleston, Joel Meyerowitz et Stephen Shore et, au Canada, Fred Herzog et Serge Tousignant.
New York, 1978
Une autre étape importante de sa production artistique est son déménagement à New York afin d’aller travailler pour le International Center of Photography (ICP), où il rejoint son collègue William Ewing, ex-directeur de la Galerie Optica. La grande métropole américaine, avec ses babillards éclaboussés de couleur, est un incroyable terrain de jeu pour Walker. Tout en photographiant en couleur, il garde de ses études en peinture une prédilection pour l’expressionnisme abstrait américain et des aplats de couleur du color-field painting. Ce n’est pas tant le sujet qui intéresse Walker, mais la recherche de formes, de lignes et de la couleur qui émerge au tournant d’une rue. L’animation des rues de Manhattan, une sorte de Disneyland multicolore, est une grande source d’inspiration. Une première monographie émerge de son séjour de dix ans aux États-Unis, New York Inside Out, préfacée par une figure importante de la Beat Generation, William S. Burroughs et publiée par Skyline Press. Lors de son séjour américain, il travaille aussi comme photographe de plateau sur le film Annie (1982) du réalisateur John Huston dont la publication Annie on Camera retrace le tournage du film. Par la suite, il participe à plusieurs expositions internationales, tant aux États-Unis qu’en Europe et en Asie.
Sa deuxième monographie, Color is Power, publiée en 2002 par l’éditeur londonien Thames & Hudson, accompagne une exposition itinérante de ses œuvres dans les plus importants musées de la photographie en Europe. Notamment, le Musée de la photographie de Charleroi en Belgique; le Musée de l’Élysée à Lausanne, en Suisse; le Fotografie Forum à Francfort, en Allemagne et la Biennale de l’image de Nancy, en France. La présence de Walker est aussi manifeste dans une dizaine d’encyclopédies, livres d’histoires et anthologies internationales sur la photographie, dont Le corps : Œuvres photographiques sur la forme humaine et Contemporary Photographers.
Missions photographiques
Dans les dernières années, Walker a participé à deux missions photographiques. La première dans le cadre de la 54e Biennale de Venise en 2011, pour une exposition avec 14 photographes internationaux intitulée Real Venice. Puis en 2018, il reçoit une commande pour photographier un quartier montréalais en profonde transformation dans le cadre du projet Montréal en mutation du Musée McCord (aujourd’hui McCord Stewart). Walker, étant le premier photographe à être sélectionné, a pu choisir l’arrondissement qu’il préférait. C’est ainsi que commence pour lui le projet Griffintown et, pendant des mois en 2018 et 2019, il parcourt les rues de ce quartier dominé par la machinerie lourde aux couleurs vives et les affiches des promoteurs. Les jaunes, les verts et les rouges s’éclatent dans les photographies de Walker. De ce mélange d’éléments incongrus entre le passé, le présent et le futur, émergent des images prises dans l’un des plus anciens quartiers montréalais et exposées au Musée McCord en février 2020. Les images documentaires de Robert Walker ont une valeur esthétique et historique indéniable, car elles nous font découvrir un quartier entièrement modifié par un développement urbain favorisant la gentrification.
Les sujets des photographies de Walker sont souvent kitsch : celui-ci structure ses images en pensant avant tout à la couleur. Il affectionne les couleurs vives, les juxtapositions entre le théâtre de la rue et les publicités criardes. Si, dans sa série L’Amérique québécoise, Michel Saint-Jean dénonçait l’emprise du rêve américain sur la société québécoise, Walker cherche à la magnifier de façon outrancière. Dans la photographie que nous avons sélectionnée, on trouve plusieurs éléments distinctifs du style de Robert Walker : les couleurs vives, les formes et les motifs, puis la superposition de plusieurs niveaux de profondeur de champ. Notre œil se promène constamment de l’avant-plan coloré, à un plan intermédiaire de vieilles maisons et ses diagonales bloquées par la pelle mécanique et un plan éloigné vertical qui situe la ville. Il y a beaucoup de densité dans cette image. Comme souvent chez Walker, il y a une ambiguïté : s’agit-il d’une construction ou d’une démolition ?
Principales collections
- Carleton University Art Gallery
- Musée d’art contemporain de Montréal
- Musée d’art de Joliette
- Musée de la civilisation
- Musée des beaux-arts de Montréal
- Musée des beaux-arts du Canada
- Musée national des beaux-arts du Québec
- Vancouver Art Gallery
Bibliographie
Bauret, G. (2003). Color Photography. Éditions Assouline.
Campbell, J. (2020). Robert Walker. Griffintown / Montréal en mutation : entrevue réalisée par James D. Campbell. Ciel variable, (115), 95–98.
Dessureault, P. & Roth, K. (2008). Robert Walker : labyrinthes mercantiles. Ciel variable, (79), 23-25.
Dessureault, P. (2017). Robert Walker, Hochelaga-Maisonneuve, Observations and Recollections. Regard sur Hochelaga-Maisonneuve. Ciel variable, (105), 12–27.
Ewing, W. (1984). The Body: Photographs of the Human Form. Chronicle Books.
Ewing, W. (1998). Le Corps: Oeuvres photographiques sur la forme humaine. Assouline.
Ewing, W. (2002). Flora photographica : chefs-d’oeuvre de la photographie florale de 1835 à nos jours. Thames & Hudson.
Ewing, W. et Herschdorfer, N. (2007). Faire faces. Le nouveau portrait photographique. Actes Sud.
Ewing, W., Piersanti, C., Pelizzari, M. A. et Somers Cox, A. (2011). Real Venice. Ivory Press.
Hoi, A. H. (1982). Annie on Camera. Abbeville Press.
Langford, M., Dessureault, P., Hanna. M. et MacLennan, H. (1984). Photographie canadienne contemporaine de la collection de l’Office national du film. Alta et Hurtig Publishers.
Lessard, M., Allaire, S., Brault, M., Gagnon, L., Lauzon, J. et Corbo, C. (1995). Montréal au XXe siècle, regards de photographes, Montréal, Les Éditions de l’Homme.
Levine, L., Pontbriand, C., Heyer, P. et Vallières, P. (1974). Camerart : 24 artistes du Québec. Galerie Optica.
Marchand, S. et Letocha, L. (1980). Tendances actuelles au Québec. Musée d’art contemporain de Montréal.
Marchand, S. et Letocha, L. (1982). Esthétiques actuelles de la photographie au Québec : onze photographes. Musée d’art contemporain de Montréal.
Shamis, B. (2011). New York in Color. Abrams.
Walker, R. et Burroughs, W. S. (1984). New York Inside Out. Skyline Press.
Walker, R. (2002). Color Is Power. Thames & Hudson.
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