Omer Parent et l’art publicitaire

Omer Parent (1907-2000), Natures mortes et sculptures – Enseignes lumineuses, [1937-1939], Épreuve à la gélatine argentique à surface matte, 15,5 x 20,5 cm, P610,S44,P53, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Québec.
Durant la Première Guerre mondiale, le développement militaire des chaînes de production industrielle, conjugué au raffinement de l’optique de précision, permettra l’essor d’appareils cinématographiques et photographiques compacts bon marché. La paix revenue, les Années folles battent leur plein dans la décennie suivante. On assiste alors à une diffusion rapide d’appareils photo accessibles auprès de créateurs et créatrices de tous horizons et de toutes classes sociales, qui expriment leurs préoccupations à peu de frais. Il en découle des œuvres inédites, maintenant permises par le choix de sujets ou de compositions jusqu’alors inaccessibles comme, par exemple, les prises de vues en plongée depuis des gratte-ciels.
À ce moment, la photographie provoque une onde de choc dans les écoles d’art occidentales et force les artistes à redéfinir leur pratique. L’académisme, ou la formation de type beaux-arts traditionnelle, basée en grande partie sur le dessin, est rejetée – parfois avec vigueur – par la jeune génération et laisse place à une « Nouvelle vision » appuyée sur les supports argentiques. Initiée par László Moholy-Nagy en Allemagne vers 1925, celle-ci coïncide avec l’arrivée des premiers appareils Leica, célèbres pour leur polyvalence et leur rapidité d’exécution à la prise de vue. Utilisant ces points de vue aux propriétés graphiques étonnantes faits de fortes perspectives et d’angles jamais explorés, les photographes subvertissent les conventions de la présentation graphique dans les imprimés dits d’avant-garde, lesquels contribueront à une remise en question radicale des beaux-arts (peinture, sculpture, architecture, etc.). On comprend de mieux en mieux aujourd’hui comment l’acte photographique a pu jouer un rôle de premier plan dans ces transformations.
Pionnier de la modernité artistique québécoise, Omer Parent (1907-2000) n’échappe pas à cette tendance dont il est l’un des représentants majeurs. Né à Québec, il y sera actif dès les années 1920, et ce, jusqu’au milieu des années 1990. On peut dire que Parent traverse, avec son œuvre pluridisciplinaire et son activité pédagogique remarquable, la presque totalité du XXe siècle. Artiste dès son adolescence, il sera tour à tour photographe, cinéaste, graphiste publicitaire et décorateur pour les grands magasins montréalais. De retour de la métropole dans la capitale provinciale en 1936, où il s’établit, il est successivement professeur et directeur de l’École des beaux-arts de Québec. Il y introduit la photographie, avant de fonder l’École des arts visuels de l’Université Laval (l’actuelle École d’art) dont il sera aussi le directeur.
L’œuvre hors norme de Parent le place parmi les premiers artistes de la période moderniste à reconnaître la photographie comme un média d’expression à part entière, tant pour ses qualités intrinsèques que pour sa plasticité. Déjà, au Salon de Québec, tenu en mars 1937 à l’école où il enseigne depuis peu, Parent marque son époque : pour la première fois au Québec, on présente des travaux photographiques obtenus sans l’aide de la caméra, dans une exposition réservée aux beaux-arts. Il s’agit de photogrammes : des œuvres réalisées en chambre noire et obtenues en plaçant divers objets entre la source de lumière et le papier aux sels d’argent sensibilisés. Cette technique offre une multitude d’effets plastiques à l’artiste pour ses compositions. La photographie ne sert alors plus à documenter, mais est présentée pour elle-même : on l’apprécie pour sa valeur artistique propre et sa capacité à traduire graphiquement et librement la sensibilité de la personne qui l’a créée, sans le recours au dessin.
Dans ses travaux expérimentaux et de laboratoire, Parent affirme les qualités du média à rendre comme aucun autre les modulations tonales et les opalescences de la lumière. Typiques de la Nouvelle vision et de l’expérience de cette époque, ses compositions aux effets kaléidoscopiques, comme celle reproduite ici, retiennent l’attention. On reconnaîtra très certainement ce motif souvent décliné dans l’œuvre de plusieurs photographes et cinéastes, fait d’une superposition d’enseignes publicitaires au néon. On parle alors de photomontage, soit le résultat de multiples expositions ou captations sur un même négatif. Dans cette image vibrent le jazz et le music-hall; l’activité des rues commerciales achalandées des grandes métropoles; l’euphorie au cœur de la nuit qui enivre comme la musique éclectique de George Gershwin; le jour prolongé par l’éclairage artificiel ici consigné et disposé en un chaos d’éléments graphiques, typographiques et publicitaires déjà si chers à Omer Parent. Ce dernier exprime l’effet vertigineux de la vie nocturne et électrique des cités modernes.
Principales collections
- Musée national des beaux-arts du Québec
- Bibliothèque et Archives nationales du Québec
- Collections de l’Université Laval
Bibliographie
Barras, H. (1976). Omer Parent. Vie des arts, 21(83), 34.
Daignault, C. (1966, 20 août). La première exposition d’Omer Parent. Le Soleil, 18.
De Andrade, M.-M. (2021). Omer Parent : artiste-décorateur. RACAR : Revue d’art canadienne / Canadian Art Review, 46(1), 3-134.
Lemieux, J. P. (1935). A New Modern Setting in Montreal. Technique : Revue industrielle, Montréal, X(9), 444-446.
Massé, G. (1976). Omer Parent. Ministère des Affaires culturelles.
Parent, O. « La vie d’Émile Lazo » ; « Récréation » et « Arrivée de Fernand Léger devant la gare du Palais », [films en ligne].
Royer, J. (1966, 10 septembre). Omer Parent : l’artiste doit être en accord avec son époque. L’Action Québec, 13.
Barras, H. (1976). Omer Parent. Vie des arts, 21(83), 34.
Daignault, C. (1966, 20 août). La première exposition d’Omer Parent. Le Soleil, 18.
De Andrade, M.-M. (2021). Omer Parent : artiste-décorateur. RACAR : Revue d’art canadienne / Canadian Art Review, 46(1), 3-134.
Lemieux, J. P. (1935). A New Modern Setting in Montreal. Technique : Revue industrielle, Montréal, X(9), 444-446.
Massé, G. (1976). Omer Parent. Ministère des Affaires culturelles.
Parent, O. « La vie d’Émile Lazo » ; « Récréation » et « Arrivée de Fernand Léger devant la gare du Palais », [films en ligne].
Royer, J. (1966, 10 septembre). Omer Parent : l’artiste doit être en accord avec son époque. L’Action Québec, 13.