L’usage de la photographie dans les installations sculpturales de Hannah Claus

Figure 1
Hannah Claus (1969-), chant pour l’eau [Kespe’k], 2014, impression numérique sur acétate, fil, colle PVA, plexiglas, 914 cm x 346 cm x 40 cm. Centre d’artistes Vaste et Vague. Photo de Robert Dubé.

Figure 2
Hannah Claus (1969-), chant pour l’eau [Kespe’k], 2014 (détail), impression numérique sur acétate, fil, colle PVA, plexiglas, 914 cm x 346 cm x 40 cm. Centre d’artistes Vaste et Vague. Photo de Magalie Deslauriers.

Figure 3
Hannah Claus (1969-), chant pour l’eau [Kespe’k], 2014 (détail), impression numérique sur acétate, fil, colle PVA, plexiglas, 914 cm x 346 cm x 40 cm. Centre d’artistes Vaste et Vague. Photo de Hannah Claus.
De descendance anglaise et kanien’kehá:ka de la communauté Tyendinaga (baie de Quinte, en Ontario), Hannah Claus a grandi au Nouveau-Brunswick. En 1997, elle obtient un diplôme de l’Ontario College of Art and Design et, en 2004, une maîtrise en beaux-arts de l’Université Concordia où elle enseigne désormais les arts autochtones. Elle est également l’une des co-fondatrices du centre daphne, le premier centre d’artistes autochtones au Québec. Artiste multidisciplinaire, elle puise dans son héritage mixte pour réaliser des œuvres qui explorent les frontières culturelles, historiques et personnelles de la définition de soi. L’artiste mélange les formes d’art traditionnel, comme le perlage, avec des médias comme la vidéo ou la photographie. Ses œuvres mettent notamment en évidence la façon dont les relations et la réciprocité sont constitutives des rapports entre les êtres et leur environnement.
Par exemple, ses installations sculpturales, qu’elle qualifie de « paysages sensoriels », mettent de l’avant les visions du monde kanien’kehá:ka voulant que les êtres humains soient interconnectés aux autres formes de vie, animées et inanimées. Reprenant la technique du perlage, des centaines de formes rondes ou ovales sont accrochées à des fils suspendus au plafond et forment des sculptures mobiles qui évoquent des éléments naturels comme les nuages, le ciel ou l’eau. Ces sculptures suspendues bougent au gré des mouvements du public, soulignant ainsi l’équilibre délicat entre le corps, le lieu et l’identité. Dans certaines de ses installations, des photographies sont imprimées sur les disques enfilés qui composent l’œuvre. C’est le cas de chant pour l’eau [Kespe’k], créée en 2014.
Les disques d’acrylique transparent suspendus par de multiples fils imitent ici la forme d’une onde sonore : celle d’un chant pour l’eau mi’gmaq (fig. 1). Ce chant, destiné à remercier et à célébrer les eaux, a été offert à l’artiste par des femmes de la communauté Listuguj lors de sa résidence au centre d’artistes Vaste et Vague en Gaspésie. En traduisant visuellement ce chant pour l’eau, Hannah Claus rend hommage non seulement aux échanges interculturels mais aussi aux rivières en tant que lieux de relation et de communication entre communautés, entre nations et entre personnes.
Sur chaque disque est imprimée une photographie des eaux qui traversent le territoire mi’gmaq sur lequel se situe le centre d’artiste (figs. 2 et 3) : Gesgapegiag (Cascapédia), Getnig (Restigouche), Tlapataqanji’jg (Nouvelle) et Sipug. À la manière du scintillement de l’eau qui bouge, les disques imprimés reflètent la lumière au gré de leur mouvement, donnant à l’œuvre un effet de présence saisissant. Les centaines d’images imprimées sur les disques en acrylique transparent donnent à voir une gamme variée de couleurs et de tonalités, ce qui nous invite à considérer la diversité des particules dont sont composées les eaux. L’œuvre met ainsi en évidence la façon dont le microcosme et le macrocosme sont interreliés, nous incitant alors à élargir la façon dont nous envisageons notre relation au monde et à ses composantes. De plus, l’aspect interactif de l’œuvre, qui bouge en fonction des mouvements de l’air et du public, rappelle notre rôle dans cette relation.
Finalement, le procédé utilisé évoque celui des ceintures wampum. Appelées « kahion:ni » en kanien’kéha, qui signifie « rivière faite à la main », les ceintures wampum constituent des représentations visuelles des évènements importants ou des ententes passées entre les peuples. Elles sont des vecteurs de transmission de la mémoire collective et présentent, à ce titre, des similarités avec la photographie. Le recours au médium dans chant pour l’eau [Kespe’k] nous permet alors d’entrevoir la continuité historique entre la photographie et les ceintures wampum.
Ainsi, en s’inspirant des manières d’être au monde et des modes de connaissances autochtones, Hannah Claus crée une œuvre sensorielle qui articule la relation, à la fois physique et psychologique, entre l’environnement, la mémoire et l’identité.
Principales collections
- Musée des beaux-arts du Canada
- Eiteljorg Museum of American Indians and Western Art
- Nordamerika Native Museum NONAM, Zurich
- Musée des beaux-arts de Montréal
- Ville de Montréal
- Affaires mondiales Canada
Bibliographie
Beavis, L., Racette, S. F. et Mattes, C. (2008). Izhizkawe : To Leave Tracks to a Certain Place. FOFA Gallery.
Falvey, E. (2018). Hannah Claus, earth. sea. sky. constellations for my relations, Montréal, arts interculturels (mai), Montréal. esse arts + opinions, (94), 89.
Flemming, P. et Hubert, C. (2012). Les particules élémentaires : œuvres de Lucie Chan et Hannah Claus. Oboro.
Lainey, J. (2013). Les colliers de wampum comme support mémoriel: le cas de Two-Dog Wampum. Dans Beaulieu, A. Gervais, S et Papillon, M. (dir.), Les Autochtones et le Québec. Des premiers contacts au Plan Nord (p. 93-111). Presses de l’Université de Montréal.
Raetsen-Kemp, D., Salter, M., Badzak, A., Daniels, L., Printup, D. et Belcourt, B.-R. (2018). Inaabiwin. The Robert McLaughlin Gallery ; Art Gallery of Mississauga ; Ottawa Art Gallery ; Judith and Norman Alix Art Gallery.
Seppi, L. R. (2012). Hannah Claus: In/Tangible Presence. Tyler Art Gallery.
Vaste et Vague. (2015). Chant pour l’eau/watersong – Hannah Claus [vidéo]. YouTube.
Beavis, L., Racette, S. F. et Mattes, C. (2008). Izhizkawe : To Leave Tracks to a Certain Place. FOFA Gallery.
Falvey, E. (2018). Hannah Claus, earth. sea. sky. constellations for my relations, Montréal, arts interculturels (mai), Montréal. esse arts + opinions, (94), 89.
Flemming, P. et Hubert, C. (2012). Les particules élémentaires : œuvres de Lucie Chan et Hannah Claus. Oboro.
Lainey, J. (2013). Les colliers de wampum comme support mémoriel: le cas de Two-Dog Wampum. Dans Beaulieu, A. Gervais, S et Papillon, M. (dir.), Les Autochtones et le Québec. Des premiers contacts au Plan Nord (p. 93-111). Presses de l’Université de Montréal.
Raetsen-Kemp, D., Salter, M., Badzak, A., Daniels, L., Printup, D. et Belcourt, B.-R. (2018). Inaabiwin. The Robert McLaughlin Gallery ; Art Gallery of Mississauga ; Ottawa Art Gallery ; Judith and Norman Alix Art Gallery.
Seppi, L. R. (2012). Hannah Claus: In/Tangible Presence. Tyler Art Gallery.
Vaste et Vague. (2015). Chant pour l’eau/watersong – Hannah Claus [vidéo]. YouTube.