La photographie et le droit d’auteur

Des repères pour comprendre des notions fondamentales.

 

Veuillez noter que ce texte vise à vous aider à comprendre vos droits et obligations. Il est conçu pour offrir de l’information et ne constitue pas un avis juridique sur le droit d’auteur.

Pour être considérée comme une œuvre, une production doit répondre à trois autres critères. Tout d’abord, elle doit être l’expression d’une idée. Une idée n’est donc pas protégée. Ainsi, l’idée de prendre en photographie une personne en train de jouer en ligne ne jouit pas d’une protection. Votre photographie de votre frère super concentré en train de compléter une mission, oui. Pour être protégée, l’œuvre doit également être fixée sur un support qui peut être tangible ou intangible. Enfin, elle doit être originale, c’est-à-dire que sa création a demandé un effort et qu’elle est le produit du talent et du jugement d’un auteur.

1. Qui sont les auteurs ?

L’auteur doit être une personne, physique ou morale, par exemple, un artiste reconnu, votre mère ou une institution, comme un cégep. De plus, l’originalité exclut la création par le fruit du hasard et des processus aléatoires automatiques. Elle écarte également les données et les compilations de données si elles sont le résultat d’une sélection automatique. Donc, les photographies prises de manière automatisées par un drone ou générées par l’intelligence artificielle (IA) ne sont pas pour l’instant considérées comme des œuvres par la loi. Le gouvernement fédéral prévoit réglementer le développement, l’utilisation et la commercialisation de l’IA en 2025. En ce moment, cela dit, les requêtes (prompts) que nous écrivons pourraient être protégées comme œuvre littéraire si elles sont assez complexes. Aussi, les images de l’IA ou les photographies du drone pourraient bénéficier de la protection si elles ont fait l’objet de modifications postérieures par une personne. Ces modifications doivent cependant être suffisantes pour répondre aux critères d’originalité.  

Une œuvre n’a donc pas besoin d’être reconnue par le milieu culturel, d’atteindre des barèmes esthétiques ou un niveau d’excellence pour être protégée. Elle n’a pas besoin d’être acceptée par un organisme reconnu ou d’être identifiée par un symbole comme le ©. Votre photographie du meilleur café en ville jouit de la protection de la loi tout autant qu’une œuvre de Raymonde April conservée dans un musée. 

1. Qu’elle est la protection offerte par le droit d’auteur ?

Une personne qui détient un droit d’auteur a le droit exclusif de produire ou de reproduire la totalité ou une partie importante d’une œuvre sous une forme quelconque. Ce droit comprend entre autres le droit de production, de publication, de reproduction, d’exécution en public, de communication en public, d’adaptation, de transformation et de traduction. Par exemple, vous devez posséder les droits sur une photographie pour la recadrer, l’exposer dans un musée ou la diffuser sur les réseaux sociaux.

La protection couvre également les droits moraux. Ces droits garantissent les liens entre la personne créatrice, ses intentions et l’œuvre. Ils protègent l’intégrité de l’œuvre. Il est donc interdit de déformer, mutiler ou associer une œuvre à un produit ou à une cause sans l’autorisation de la personne qui l’a créée. Ces droits permettent aussi à cette personne de faire le choix de l’anonymat. Enfin, ils garantissent que l’œuvre est attribuée à cette même personne. C’est une des raisons pour lesquelles vous devez toujours accoler des légendes aux photographies ou indiquer des références dans vos textes.

1. Quelle est la durée de la protection ?

Au Canada, une œuvre est automatiquement protégée à partir du moment où elle est fixée. Il n’est donc pas nécessaire de remplir un formulaire, d’envoyer une œuvre à une personne qui la publie ou de faire un dépôt légal pour la protéger. Cependant, le droit d’auteur est limité dans le temps. Jusqu’en 2022, les œuvres étaient en général protégées automatiquement dès le moment de leur création ainsi que durant les 50 ans suivant le décès de l’auteur ou l’autrice. Ce décompte commençait à partir de la fin de l’année civile de la mort de la personne, pas à la date de son décès. La loi a été changée pour faire suite à des négociations économiques avec les États-Unis. 

La nouvelle version est entrée en vigueur en 2023. Elle n’est pas rétroactive. Une œuvre créée par une personne décédée en 1971 n’est pas protégée. Elle est dans le domaine public, nous reviendrons sur ce concept plus loin dans cette section. Par contre, si le créateur ou la créatrice était encore en vie en 1972, son œuvre est maintenant protégée pendant les 69 ans suivant l’année civile de son décès. Voici quelques exemples pour rendre les choses un peu plus concrètes. 

  • Une œuvre créée en 1938 dont l’autrice est décédée en 1985 est protégée jusqu’en 2055.
  • Une œuvre produite en 1971 dont l’auteur est mort en 1971 n’est plus protégée.
  • Une œuvre fixée en 1971 dont l’auteur est décédé en 1974 est protégée jusqu’en 2044.

Si l’œuvre a été créée collectivement par plusieurs personnes, la protection est calculée en fonction du dernier décès.

Une fois la protection échue, l’œuvre entre dans le domaine public. Une œuvre peut aussi appartenir au domaine public parce que l’auteur ou l’autrice a renoncé par écrit à faire valoir ses droits. Ces œuvres libres de droits appartiennent au patrimoine culturel commun d’une société. Si elles sont accessibles, toute personne peut les utiliser sans demander de permission et, théoriquement, sans payer de frais. Attention, un musée peut, par exemple, vous demander des frais pour le travail que demande la production d’un fichier ou d’une reproduction de l’œuvre pour vos besoins. Ainsi, si vous faites une demande parce que la résolution disponible sur le Web n’est pas suffisante, un montant peut être exigé sans enfreindre la loi.

1. Qui possède les droits ?

La réponse est à la fois très simple et très compliquée. La ou les personnes qui ont créé l’œuvre possèdent les droits au moment de la création. Cependant, si cette création a eu lieu lors de tâches dans le cadre d’un emploi rémunéré, les droits appartiennent à l’employeur. Donc, si vous prenez une photographie d’un vélo rouillé qui a traîné tout l’hiver sur un poteau un beau dimanche matin en sortant d’un brunch, les droits vous appartiennent. Si vous prenez une photographie du même vélo sur vos heures de travail pour les besoins d’un projet, c’est alors votre employeur qui est le titulaire des droits.

En photographie, les choses peuvent être encore plus complexes. Les photographes qui travaillent de manière indépendante ont dû se battre pour que leurs droits soient semblables à ceux des autres artistes. La reconnaissance comme auteur ou autrice d’une œuvre leur a été octroyée plus tard. Avant 2012, les droits n’appartenaient pas nécessairement aux photographes. Ils appartenaient soit :

  • Au client qui avait commandé et payé une photographie, à moins que des clauses énonçant le contraire aient été prévues au contrat
  • À la personne qui possédait les négatifs

Si vous cherchez à obtenir le droit d’utiliser une photographie, vous devez donc vérifier que vous parlez avec la bonne personne ! N’oubliez pas qu’après le décès de l’auteur ou de l’autrice d’une photo, ses droits ont pu être transférés à ses successeurs. Ces personnes ont pu choisir de nommer un ou une fiduciaire et les droits peuvent ainsi être administrés par une fondation. De son vivant, la personne autrice peut aussi avoir cédé ses droits ou avoir accordé une licence. Elle peut aussi avoir confié l’administration de ses droits par une société de gestion.

1. Céder ses droits ou donner une licence

Sauf les droits moraux qui sont inaliénables, l’auteur ou l’autrice peut décider de céder ses droits (pour plus de précisions sur les droits concernés, consultez la section Qu’elle est la protection offerte par le droit d’auteur ?). Elle peut également accorder une permission d’utilisation. On appelle « cession » le fait de vendre définitivement ses droits. Ce transfert de propriété se fait par contrat écrit et signé. Il peut être rémunéré ou pas. Il peut de plus être total ou partiel, c’est-à-dire que l’auteur ou l’autrice décide de conserver certains droits. Par exemple, un ou une photographe peut céder ses droits d’exposition sans céder ses droits de diffusion sur le Web. 

L’auteur ou l’autrice peut aussi décider d’accorder une licence. Dans ce cas, la personne qui obtient la licence est un peu comme une personne qui loue un appartement. Elle peut utiliser l’œuvre, mais elle n’en est pas propriétaire. Le type d’utilisation qui peut être faite est établi par la personne qui accorde la licence. Une licence peut entre autres être :

  • Exclusive : impossible alors d’offrir une licence à une autre personne.
  • Non exclusive : plusieurs licences peuvent être accordées au même moment (mais pas de licence exclusive à une autre personne). Quand vous créez un compte sur les réseaux sociaux, vous accordez en général une licence non exclusive sur vos contenus.
  • Non-commerciale : interdit l’utilisation de l’œuvre à des fins commerciales.

Une licence peut être obtenue en payant ou gratuitement, selon les volontés de la personne qui l’accorde. 

1. Le libre accès

Certaines licences normalisées qui donnent accès au contenu ou aux logiciels en libre accès existent sur le Web. Ces licences permettent aux auteurs et aux autrices de rendre leurs œuvres plus facilement accessibles au public. En respectant les restrictions établies par ces derniers et les droits moraux, les œuvres peuvent être utilisées librement. Vous connaissez probablement une ressource dont la licence est en libre accès : Wikipédia ! Les licences en libre accès les plus connues sont les Creatives Commons. Créées dans le contexte du développement numérique pour faciliter la diffusion et le partage des œuvres, elles existent depuis 2001.

1. Des exceptions

La Loi sur le droit d’auteur prévoit des exceptions dans l’intérêt public. Pour la photographie, les plus importantes à retenir sont : 

  • L’utilisation à des fins non commerciales ou privées d’une photographie ou d’un portrait commandé à des fins personnelles et qui a été produit contre rémunération.
  • L’utilisation équitable à des fins de recherche, d’étude privée, d’éducation, de parodie, de satire, de critique, de compte rendu ou pour la communication de nouvelles. Cette utilisation est appelée l’utilisation équitable. Six critères ont été établis par la Cour suprême du Canada pour définir et limiter cette utilisation : le but, la nature et l’ampleur de l’utilisation ainsi que les solutions de rechange possible à l’utilisation, la nature de l’œuvre et l’effet de l’utilisation de l’œuvre sur le créateur ou la créatrice, ou la personne détenant les droits. 
  • L’utilisation spécifique aux établissements d’enseignement, dont les cégeps. Elle permet entre autres à vos enseignants et vos enseignantes de diffuser des œuvres en classe.
  • Le contenu non commercial généré par l’utilisateur. Cette exception permet d’utiliser une ou plusieurs œuvres pour créer une nouvelle œuvre. La ou les œuvres d’origine ne doivent pas avoir été obtenues en contournant des verrous numériques. La nouvelle œuvre ne doit pas permettre d’obtenir des revenus. Sa diffusion ne doit pas avoir un effet négatif important sur l’exploitation des œuvres originales.

1. Un droit connexe important en photographie : le droit à l’image

Au Québec, votre image vous appartient : personne ne peut utiliser une image de vous sans votre permission si vous êtes reconnaissable. Vous pouvez donc vous opposer à la reproduction ou à la diffusion, que ce soit en ligne ou sur un support tangible, d’une photographie ou d’un vidéo où vous apparaissez si vous êtes identifiable. 

Par exemple, une personne avec laquelle vous êtes en couple ne peut pas mettre une image de vous sur les réseaux sociaux ou envoyer un portrait de vous à un ami sans votre autorisation explicite. De même, un ou une photographe professionnelle ne peut pas exposer une photographie de vous en train de manger une crème glacée sans solliciter votre autorisation. De plus, si une image de vous est diffusée et qu’elle porte atteinte à votre estime, vous pourriez demander un dédommagement devant un tribunal. Cela veut aussi dire que vous ne pouvez pas utiliser des images des autres sans leur autorisation. Enfin, dans un lieu privé, l’image d’une personne ne peut normalement pas être captée sans son consentement. 

1. Les exceptions au droit à l’image

La protection que donne le droit à l’image comporte des exceptions spécifiques. La diffusion de l’image des personnes suivantes peut être effectuée sans consentement :

  • Les personnes exerçant une activité publique, par exemple, les politiciens.
  • Les personnes ayant une certaine notoriété, dont les artistes ou les journalistes.
  • Toute autre personne dont la réussite professionnelle dépend de l’opinion publique.
  • Une personne inconnue, mais qui joue un rôle de premier plan dans une affaire d’intérêt public.

De plus, la diffusion de l’image est permise sans consentement lorsqu’elle a été captée dans un lieu public et qu’un individu est identifiable sur une photographie, mais qu’il n’est pas le sujet principal. Ainsi, une photographie du château Frontenac où vous apparaissez en arrière-plan peut être diffusée sans votre consentement. De même, si vous apparaissez dans une masse de personnes dans une photographie de manifestation, votre image peut être diffusée sans votre permission. Pour un concert, c’est un peu plus compliqué, car au sens de la loi un lieu public appartient à la collectivité. Ainsi, le cégep est un lieu privé de même que la plupart des salles de spectacle, même s’ils sont ouverts au public.

Cette réglementation protège l’image, mais aussi la voix. Elle assure que nos vies privées restent privées. Il n’y a pas d’exception pour les œuvres d’art. Les règles font donc également en sorte que la pratique de la photographie de rue au Québec est très complexe, ce qui explique qu’elles ont été dénoncées par des photographes.

1. En conclusion

Ce texte vous donne un bon aperçu du droit d’auteur et du droit à l’image. Nous espérons qu’il vous permettra de bien comprendre ce que vous pouvez faire et ce qui est interdit. Les informations que vous venez de lire ont toutefois leurs limites. De fait, nous n’avons pas abordé la question des brevets et de la propriété intellectuelle qui touchent beaucoup moins directement les images photographiques. Vous avez peut-être aussi constaté que la recherche de la personne qui possède les droits peut être toute une aventure ! Nous aimerions enfin que cette lecture vous permette de comprendre que votre image ne peut en général pas être diffusée sans votre autorisation. De même, vous devez faire preuve de respect et demander l’autorisation pour diffuser l’image d’une autre personne. 

1. Références

Aubry c. Éditions Vice-Versa inc. [1998] 1 R.C.S. 591

Code civil du Québec. RLRQ, c. CCQ-1991.

Creative Commons

CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, [2004] 1 R.C.S. 339, 2004 CSC 13

Loi sur le droit d’auteur (L.R.C. (1985), ch. C-42) 

Charbonneau, O. (2009, 27 juillet). Comment fonctionne le droit d’auteur ? Culture libre

Goulet, J. (2010). Grand angle sur la photographie et la loi. Un précis sur le droit de la photographie au Québec et au Canada. Wilson & Lafleur.

Jonnaert, C. (2022). Intelligence artificielle et droit d’auteur : le dilemme canadien [thèse de doctorat]. Faculté de Droit, Université de Montréal. 

Innovation, Sciences et Développement économique du Canada. (2025, 11 février) Consultation sur le droit d’auteur à l’ère de l’intelligence artificielle générative. Gouvernement du Canada.

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Michel, F. (1999). L’image bafouée, CV Photo, (46), 4-5.

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