Périodisation
1840-1880
On considère par convention l’année 1839 comme celle de l’invention de la photographie, à la suite de la présentation du procédé du daguerréotype par François Arago à l’Académie des sciences en France. La nouvelle fut rapportée dans La Gazette de Québec le 12 septembre 1839. Dès 1841, les premiers photographes portraitistes installent leur studio dans les villes de Québec et Montréal. Cette nouvelle industrie connait une expansion importante dans les années suivantes. Si de nombreux procédés photographiques ont été développés au cours du XIXe siècle, aucun n’a eu autant de répercussions que la gélatine argentique qui s’impose vers la fin des années 1880 et qui est à la base du Kodak No. 1. Le développement des procédés en demi-tons facilite également la diffusion des images dans la presse imprimée. Ainsi, le début des années 1840 marque l’implantation de la photographie au Canada et les années 1880 s’inscrivent comme un moment où la technologie photographique vit une transition majeure.
1880-1940
Dès la fin du XIXe siècle, le Canada s’industrialise rapidement et Montréal s’impose comme sa métropole. La photographie gagne en importance dans plusieurs secteurs d’activité et ses applications se diversifient, favorisant sa pratique tant dans les domaines médiatiques (presse imprimée), industriels, scientifiques et politiques, qu’à des fins commerciales (studio), personnelles (photographie vernaculaire) et artistiques. Cette période de croissance sera interrompue par la crise de 1929, puis relancée par la Seconde Guerre mondiale en 1939. La modernisation de la société durant cette période s’accompagne de l’éclosion des idées du modernisme, valorisant l’expérience personnelle, l’originalité, la simplicité esthétique et la notion de progrès, comme on peut le voir dans la transition entre la photographie pictorialiste du tournant du siècle et la photographie d’art d’ascendance moderniste des années 1920.
1940-1960
La crise de 1929 a démontré la nécessité du filet social, le capitalisme dépourvu de régulation ayant causé des dommages sans précédent. La Seconde Guerre mondiale et la crise de la conscription mèneront à une prise de conscience critique de la place du Québec au sein de l’Empire britannique. Les réformes mises en place par le gouvernement de Jean Lesage en 1960, comme la nationalisation de l’électricité, parachèvent un cycle de réforme de la société québécoise, qui est suivi d’une réinterprétation de son rapport au monde. Si certains artistes s’empressent à se réclamer des idées d’avant-garde, comme dans les manifestes Prisme d’yeux (1948) et Refus global (1948), les photographes québécois accompagnent ces changements sociaux en adoptant des approches novatrices, en renforçant leur présence dans les médias, dans l’éducation et dans le commerce, et en affirmant leur indépendance par la création d’associations professionnelles et l’organisation d’expositions artistiques.
1960-1970
La décennie 1960 marque une accélération rapide de changement social, et la photographie verra elle aussi son importance croître. Les institutions muséales étrangères, comme la George Eastman House aux États-Unis, attirent les Québécois visant à faire carrière comme artistes-photographes. Au Canada, le Service de la photographie de l’Office national du film augmente graduellement son soutien aux pigistes qui contribuent à la réalisation de reportages et d’expositions itinérantes sur des sujets tels que la vie rurale, politique, culturelle ou sociale. La Galerie nationale (aujourd’hui le Musée des beaux-arts du Canada) crée également sa collection d’œuvres photographiques, et les premiers magazines spécialisés en photographie voient le jour à Montréal et à Toronto. Les arts graphiques, les médias, et l’industrie naissante du spectacle ont tous de grands besoins en photographie, comme les amateurs : si l’Expo 67 fait la part belle à la photographie dans de nombreux pavillons, son public génère aussi un torrent d’images souvenirs.
1970-1980
Autre décennie qui se développe en accéléré, les années 1970 sont celles pendant lesquelles les enfants du baby-boom entrent dans la vie active. Une génération entière prend sa place dans un monde radicalement changé par les efforts de celles qui l’ont précédée : éducation supérieure abordable, assurance maladie universelle, institutions laïques, politiques sociales et culturelles fortes, relative prospérité économique et faible coût de la vie. L’idée d’un Québec indépendant fait son chemin, et la photographie documentaire à caractère social appuie le questionnement identitaire. Les initiatives de soutien à la production et à la diffusion de la photographie se multiplient et s’établissent, comme le magazine OVO qui sera publié jusqu’au milieu de la décennie suivante.
1980-2000
La photographie et les arts plastiques ont toujours dialogué, mais elles ont conclu une alliance plus fondamentale au cours des années 1970 qui portera ses fruits dans les décennies à venir. Pendant que le documentaire social prenait le devant de la scène, la photographie artistique (ou plasticienne) s’insérait tranquillement au sein de l’art contemporain, contribuant à de nouvelles questions, de nouvelles notions et une esthétique originale. Ce n’est donc plus tant comme miroir de la société, mais plutôt comme espace de création que la photographie québécoise se réorganise. Les magazines, les galeries et les établissements d’études supérieures mettent de l’avant les artistes dont la démarche interroge les idées mêmes de représentation, de traces ou de support, mais également les questions identitaires en y confrontant cette fois-ci les multiples expériences de l’existence.
2000 à nos jours
Une contrainte nouvelle sur le travail des photographes québécois apparaît à la suite du jugement de la Cour Suprême du Canada dans la cause Aubry c. Éditions Vice‑Versa, [1998] 1 R.C.S. 591. Le droit à l’image est affirmé de manière claire, et la publication d’une photographie sur laquelle on peut reconnaître une personne est assujettie à son consentement. Si le visage humain s’éclipse initialement de la production photographique, il réapparaît en force dans la sphère publique alors que la combinaison de l’ordinateur personnel, des appareils numériques, d’Internet et des réseaux sociaux remplace presque du jour au lendemain l’industrie des communications imprimées. Ce nouvel ordre médiatique, qui est toujours d’actualité, permet le développement de ressources telles que Mise au point sur la photographie québécoise. Mais les défis de la mésinformation et du droit d’auteur qui découlent des systèmes d’intelligence artificielle contemporains sont plus présents que jamais.
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Nous espérons ainsi que les connaissances sur la photographie québécoise qui vous sont proposées par Mise au point sur la photographie québécoise sauront alimenter vos réflexions et votre action sur le cours prochain de l’histoire.
Thèmes
L’art
La photographie participe au champ des arts visuels dès son apparition. La notion d’art est vivante et change selon les époques et les contextes, mais on y retrouve toujours une place pour la photographie, qui est elle-même au cœur de certains débats majeurs sur l’art. Ce thème s’applique ici tant aux textes abordant des courants artistiques spécifiquement photographiques, comme le pictorialisme, qu’à la mise en scène, l’installation ou qu’à des pratiques hybrides intermédiales.
L’identité
L’être humain est un sujet privilégié pour la photographie, ce qui lui permet d’interroger les modèles selon lesquels il se définit. Qu’elle explore l’origine ethnique, le genre, la position sociale ou les orientations sexuelles ou idéologiques à travers le portrait ou encore l’autoportrait, la photographie aborde les questions identitaires qui sont ainsi réintégrées dans le discours social.
La société
Les photographes sont aux premières loges quand il est question d’informer la population sur les grands enjeux ou sur le climat social. Ainsi, les photographes s’intéressent aux relations entre les individus, aux rapports de pouvoir et aux mouvements sociaux qui participent tous de l’organisation de la vie collective de leur propre société ainsi qu’à celles qui leur sont étrangères.
La technique
La photographie est une technologie qui a évolué rapidement, utilisant des ressources et des matériaux rendus disponibles par l’industrialisation massive du XIXe siècle. L’optique, les matériaux photosensibles, les appareils et autres outils associés sont d’un grand intérêt pour les photographes, que ce soit pour être au fait des dernières avancées qui offrent des avantages compétitifs, ou pour en découvrir le potentiel créatif.
Le document
De nombreux outils permettent de faire l’adéquation entre une chose et sa représentation : les cartes géographiques représentent l’espace, les textes portent la trace d’une parole, et les passeports garantissent l’identité des personnes qui les possèdent. Le document photographique est peut-être celui par lequel cette adéquation se fait le plus spectaculairement. En effet, la facilité avec laquelle la photographie permet de relier une image à une chose et de communiquer des informations vérifiables est la pierre angulaire de son omniprésence, notamment en tant que preuve. Ce rapport au réel n’étant pas non plus un absolu, la dimension documentaire de la photo est aussi le lieu de critiques, de réinterprétations et de remises en question.
Le territoire
La portabilité de l’appareil photo permet progressivement son utilisation en dehors des murs d’un studio, espace qui a été exploré et conquis jusqu’à la Lune et bien au-delà. Si le territoire est d’une part photographié pour la colonisation et l’exploitation, il le sera également pour être mieux compris et valorisé. Les images qui en résultent reflètent la perspective des photographes qui les ont faites.
Les peuples autochtones
Le Québec, tout comme le Canada ou les États-Unis, est une société d’origine coloniale qui s’est installée et développée sur un territoire où vivent des peuples qu’elle nomme collectivement « autochtones ». Ceux-ci se nomment différemment en fonction de leur culture et de leur histoire, par exemple les Inuit, les Hurons-Wendat, les Kanien’kehá:ka, les Eeyouch ou les Innus, pour n’en nommer que quelques-uns. La société québécoise a été en contact constant avec ces peuples tout au long de son histoire. Il en a résulté des échanges, mais également des conflits. La photographie fait partie de cette histoire, ayant été pratiquée tant par les sociétés coloniales d’implantation que par les Autochtones, et elle nous montre les perspectives de ses différents acteurs.
Les récits
Les photographies sont des objets de sens et peuvent fonctionner comme des unités au sein de discours plus grands. Lorsqu’elles sont constituées en séquences, il en résulte des œuvres narratives; lorsqu’elles sont constituées en archives, elles participent à la définition d’une nation ou d’un groupe social; lorsqu’elles sont constituées en albums, elles permettent de raconter une histoire personnelle ou familiale. La photographie peut ainsi définir des récits, comme elle peut interroger et remettre en question ceux qui existent déjà.
Les réseaux
Si, dès ses débuts, l’apprentissage de la photographie se fait de façon autodidacte et souvent isolée, les personnes qui l’exercent de manière amatrice ou professionnelle se regroupent (studios, clubs photographiques, etc.) pour échanger sur les meilleures pratiques. Plus tard, les échanges se poursuivront à travers les écoles des beaux-arts, les agences de presse, les revues spécialisées et les expositions, différents réseaux qui, chacun à leur manière, ont encouragé et encadré la pratique photographique.
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